Interview – De la prépa aux pistes de Salon, le parcours d’un futur pilote de l’AAE
Thomas, vient de franchir une étape décisive dans son parcours : il a réussi les sélections EOPN (Élève Officier du Personnel Navigant) et s’apprête à rejoindre la base de Salon-de-Provence. Son objectif est clair : devenir pilote militaire, et plus précisément pilote de chasse.
Entre passion pour l’aviation, goût du dépassement de soi et attrait pour la rigueur du monde militaire, Thomas nous partage son parcours, ses motivations et ses conseils pour celles et ceux qui rêvent, comme lui, de rejoindre les rangs de l’Armée de l’Air et de l’Espace.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Thomas, j’ai 22 ans et j’ai grandi entre Marseille et Ajaccio.
Après le bac, j’ai intégré une classe préparatoire maths sup/maths spé avec pour objectif d’entrer à l’École de l’Air par la voie royale. Malheureusement, cela ne s’est pas concrétisé. Mais j’avais un plan B en tête : passer les sélections EOPN. Aujourd’hui, c’est chose faite — et avec succès !
Pourquoi vouloir devenir pilote militaire plutôt que pilote civil ?
L’aviation civile ne m’a jamais vraiment attiré. Je l’associe davantage à de la gestion administrative qu’au pilotage pur — sans rancune ! Ce que je recherche, c’est un métier d’action, où l’on se dépasse chaque jour. Le monde militaire, je l’ai découvert à travers la réserve opérationnelle, et ça a été une révélation. J’y ai trouvé une seconde famille, une vraie cohésion, un respect mutuel, une mission partagée.
Être major de promotion dans cette réserve a confirmé que j’étais à ma place. J’ai toujours eu besoin de me challenger, de sortir de ma zone de confort, et c’est exactement ce que propose la carrière de pilote militaire. Piloter un Rafale ou un Mirage, ça ne se fait qu’en uniforme, et c’est une chance incroyable que nous offre notre armée.
J’aime profondément mon pays et je serai honoré de porter les couleurs françaises. Notre armée est à la hauteur de ce que la France représente, et dans ce milieu, chacun a sa place et est respecté pour ce qu’il apporte. C’est exactement le genre d’environnement que je recherchais.
D’où vient cette vocation ?
Je suis ce qu’on appelle un “fana chasse“.
Depuis aussi loin que je me souvienne, l’aviation — et plus particulièrement les avions de chasse — me fascine. C’est difficile à expliquer rationnellement, mais à chaque fois que je vois passer un Rafale, j’ai des étoiles plein les yeux. Là où certains de mes amis restent totalement indifférents, moi, je ressens quelque chose de profond, presque viscéral.
C’est une passion qui prend aux tripes, tout simplement.
Combien de temps t’es-tu préparé ? Des conseils ?
J’ai consacré cinq mois pleins à ma préparation : deux pour le CSO, trois pour Tours.
J’étais en année sabbatique, donc à 100% dédié à cet objectif. Ça peut sembler long à certains, mais le résultat est là : une place sur liste principale pilote.
Mon approche était simple : rien ne doit être laissé au hasard.
Chaque test compte, chaque point peut faire la différence. Quand on vise la chasse, c’est triple 20 en sport, pas moins. Il faut s’acharner : sport, maths, psychotechniques… tout doit être travaillé avec rigueur et constance.
Un outil incontournable pour moi a été le site Devenez Pilote.
Les entraînements doivent devenir un réflexe. L’idée, c’est d’arriver aux tests comme si vous faisiez une simple session de plus. Certains affirment qu’il ne faut pas trop s’entraîner pour ne pas “fausser” les résultats. Foutaises. Si vous voulez finir dans un cockpit, il faut s’entraîner à fond, point.
Quelques conseils essentiels :
- Consacrez-vous à 100% à votre préparation : inutile de jongler avec une licence ou une prépa en parallèle.
- Ayez une hygiène de vie irréprochable : sommeil, sport, alimentation, compléments si besoin.
- Nourrissez votre motivation : regardez des vidéos, lisez, visualisez votre réussite.
- Créez une routine exigeante et durable, qui vous place dans les meilleures conditions physiques et mentales.
Comment se sont passées les sélections ?
J’ai vraiment apprécié cette étape.
C’était l’occasion de mettre à profit des mois de préparation intense, de me dépasser et de prouver ce que je valais. Les sélections sont exigeantes, mais elles se vivent aussi comme une aventure humaine. Les autres candidats sont souvent dans le même état d’esprit : motivés, solidaires, et l’ambiance reste bonne.
Le personnel sur place est pro, mais accessible.
Ils savent rester sérieux quand il le faut, mais aussi détendre l’atmosphère, rigoler et vous féliciter quand vous réussissez. Ça fait du bien dans un contexte aussi stressant.
Et justement, le stress est bien présent.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas ressenti une telle pression, surtout lors de l’annonce des éliminations. Mais un peu de stress, bien canalisé, ça pousse à se dépasser.
Quelques conseils simples mais essentiels :
- Dormez tôt, le sommeil est une arme.
- Mangez léger le midi, sinon bonjour les coups de fatigue.
- Gardez la tête froide et restez concentré.
- Et surtout : armez-vous de patience. Les temps d’attente sont nombreux… mais parfaits pour décompresser avec les autres, échanger, et lire tout Air Actualités si ça vous dit !
Des surprises ? Des choses que tu referais différemment ?
Oui, le test du palonnier m’a clairement surpris.
Dès le lundi matin, il fallait porter son propre poids pour aligner une réglette… Franchement, je trouve ce test peu représentatif, voire absurde. Mes jambes tremblaient tellement que j’ai eu l’impression de tout rater.
En revanche, j’ai adoré le SECPIL, une vraie montée d’adrénaline, un pur bonheur.
Cette immersion dans le cockpit, avec le groin, le casque… C’était ultra réaliste, j’ai adoré et je pense m’être plutôt très bien débrouillé pour ce test.
Avec le recul, je ne changerais rien à ma préparation.
J’ai tout donné, je n’ai aucun regret. Chaque heure passée à m’entraîner a porté ses fruits, et je considère avoir fait les choses correctement de bout en bout.
Quelle a été la partie la plus difficile de ta préparation ?
Sans hésiter : les maths.
C’est clairement l’un des filtres les plus redoutables des sélections. Il faut littéralement “bouffer” des heures de calculs pour être prêt. Personnellement, je faisais 3 à 4 heures de maths par jour pour automatiser les raisonnements et gagner en vitesse.
Mais au fond, j’ai adoré cette phase de préparation. Entre les séances de sport, les vols sur DCS World aux commandes d’un Mirage 2000, et cette concentration totale sur mon objectif… j’étais dans mon élément. Travailler dur ne m’a jamais dérangé, surtout quand on sait pourquoi on le fait.
As-tu souffert de solitude pendant ta préparation ?
Pas du tout. Je vivais en colocation avec mon meilleur ami depuis la prépa, donc j’étais très bien entouré. Avoir quelqu’un à ses côtés dans cette période intense, ça fait toute la différence. On partage les doutes, les réussites, et ça aide à garder le cap sans se sentir isolé.
Maintenant que tu as réussi, quels conseils donnerais-tu ?
Soyez passionnés, vraiment, pas vaguement intéressés, ni attirés par le fantasme de l’uniforme ou des avions. Je parle d’une passion profonde, sincère, presque vitale. Ce métier, on ne le choisit pas à moitié : il faut avoir la rage d’y arriver, être prêt à tout donner. C’est ce feu intérieur qui vous pousse à travailler plus dur que les autres.
Il n’y a pas de secret : travail, discipline et constance.
La motivation, c’est le carburant de l’effort. Vous devez vous consacrer à votre objectif comme si votre vie en dépendait. Dormez bien, mangez équilibré, faites du sport pour libérer votre esprit et améliorer vos capacités cognitives — c’est prouvé. Prenez soin de votre corps : c’est votre outil principal.
Soyez une machine. Pas juste un candidat. Éliminez les distractions, mettez votre vie sur pause si nécessaire, et construisez chaque jour votre réussite. Il n’y a pas que les autres qui réussissent. Si vous êtes animé par la bonne énergie, vous pouvez y arriver aussi.
Et si tu n’avais pas réussi ?
Mon plan B, c’était la marine. J’aurais tenté les EOPAN, la filière aéronautique navale. Mais pour être honnête, j’ai moins d’affinité avec ce milieu. C’est un autre univers, avec ses propres codes, ses propres exigences. Je respecte profondément ce monde, mais mon cœur, lui, battait pour l’Armée de l’Air et de l’Espace.
Qu’est-ce qui t’inquiète pour ton arrivée à Salon ?
La FMI, sans hésiter. La Formation Militaire Initiale s’annonce comme un vrai choc : plus de téléphone, plus d’horaires personnels, plus de repères. C’est une rupture totale avec le confort du quotidien. On va devoir apprendre à vivre à la minute près, dans un cadre strict, avec des règles qu’on ne maîtrise pas encore.
Mais c’est un passage obligé, c’est même un rite de transformation. On entre civil, on en ressort militaire — et officier en devenir. On dit souvent qu’on ne sort pas de la FMI comme on y est entré. Et honnêtement, j’ai hâte de vivre cette évolution.
Un dernier conseil pour conclure ?
Restez motivés et focus. C’est la clé. Depuis le bac jusqu’à ma place en liste principale pilote, tout mon parcours me prouve une chose : le travail paie. Mais il faut s’acharner, vraiment. Vous ne venez pas à Tours pour simplement “tenter votre chance”. Vous venez pour fracasser les tests, pour montrer à l’Armée de l’Air et de l’Espace ce que vous valez.
C’est votre détermination qui fera la différence. Celle qui vous pousse à vous engager, à rejoindre ce cercle très fermé des navigateurs de combat. Chaque heure d’effort, chaque sacrifice, chaque décision compte.
Alors donnez tout. Absolument tout. Et pour reprendre les mots du célèbre aviateur Georges Guynemer :
“Tant qu’on n’a pas tout donné, on n’a rien donné.”
Toute l’équipe de Devenez Pilote tient à adresser un immense merci à Thomas pour le temps qu’il nous a consacré, ainsi que pour la richesse de ses retours tout au long de sa préparation.
Ses contributions ont joué un rôle précieux dans l’amélioration de notre site et de la qualité des entraînements proposés à la communauté.
Nous te souhaitons le meilleur pour la suite, et surtout… à très bientôt en fréquence !
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