Interview – Paul, Elève EOPN sur PC21 à Cognac

Aujourd’hui, nous avons le plaisir de recevoir Paul, 22 ans, engagé en 2022 comme Élève Officier du Personnel Navigant (EOPN).
Après son bac, il a choisi de rejoindre l’Armée de l’Air et de l’Espace et s’est rapidement orienté vers la filière chasse.
Trois ans plus tard, il poursuit sa formation sur PC-21 à Cognac, une étape exigeante où il apprend à maîtriser la machine, à gérer les situations complexes et à acquérir les fondamentaux du métier de pilote de chasse.
De la voltige au vol aux instruments, en passant par les missions d’attaque au sol et de combat aérien, Paul découvre toutes les facettes de ce parcours sélectif.
Il nous partage aujourd’hui son expérience, ses motivations et les réalités de la formation, entre passion, exigence et esprit de cohésion.
Un témoignage précieux pour tous ceux qui rêvent un jour de prendre place dans le cockpit.

Peux-tu te présenter, nous dire d’où tu viens et où tu en es professionnellement ?

Bonjour, je m’appelle Paul, j’ai 22 ans.
Après l’obtention de mon bac, je me suis engagé en 2022 comme Officier Sous Contrat du Personnel Navigant -EOPN
Aujourd’hui, après près de trois années dans l’armée et une sélection en filière chasse, je suis élève pilote sur PC-21.
La formation commence par l’apprentissage de la maîtrise de la machine : voltige, gestion de pannes, vol aux instruments, et adaptation à toutes les conditions météo.
Ensuite, on aborde les bases du métier de chasseur : missions d’attaque au sol, de combat aérien, et de défense aérienne.

Quand t’est venue l’idée de devenir pilote militaire ?

Contrairement à pas mal de passionnés, je ne voulais pas être pilote depuis tout petit.
C’est en seconde, un peu par hasard, qu’un ami et moi nous sommes inscrits au BIA. Et là, ça a été une révélation : j’ai accroché dès le premier cours, et j’ai décidé d’en faire mon métier.
Ce que je retiens : peu importe votre parcours, si vous travaillez et que vous êtes apte médicalement, vous pouvez devenir pilote.

Combien de temps t’es-tu préparé ? Comment ?

Je me suis préparé de manière continue. Dès le lycée, je consacrais chaque semaine quelques heures à ma préparation physique. Je m’entraînais aussi aux différentes épreuves en utilisant les sites disponibles à l’époque. Par ailleurs, j’enrichissais ma culture aéronautique en lisant des articles ou en regardant des vidéos.

Quelques mois avant les sélections, je n’ai donc pas ressenti le besoin d’intensifier davantage ma préparation, contrairement à certains : j’étais déjà prêt.

Je recommande tout particulièrement de soigner les entretiens avec les pilotes et les psychologues, car ils sont essentiels. Intéressez-vous à l’Armée de l’Air et de l’Espace, à ses unités et à ses valeurs. Enfin, restez authentique et honnête.

Comment s’est passée ta semaine de sélection ? Tu étais satisfait de tes performances ?

La semaine des sélections est éprouvante sur le plan émotionnel, ce qui la rend particulièrement fatigante. C’est pourquoi il est essentiel d’arriver bien préparé. Enchaîner les épreuves sous pression n’a rien d’évident !

Je recommande de privilégier un bon sommeil tout au long de la semaine, dans la mesure du possible.
Pour ma part, tout s’est bien passé : j’étais satisfait de mes performances, et l’entraînement a clairement porté ses fruits.

Comment as-tu vécu l’attente des résultats ? Et après ?

J’étais très heureux d’être retenu, mais je ressentais aussi une certaine appréhension à l’approche de la visite médicale. Étant hypermétrope, presque à la limite de l’aptitude, je craignais d’être recalé.
Ce n’est qu’une fois la visite médicale passée que j’ai réellement été soulagé et que j’ai pu commencer à me projeter.

Comment s’est passée ton intégration à Salon de Provence ?

Les premières semaines à Salon-de-Provence sont riches en moments forts. On est fier d’être là, on apprend les fondamentaux militaires et on fait connaissance avec sa promotion, qui nous accompagnera tout au long de notre carrière. Les liens d’amitié noués pendant les classes sont uniques — une cohésion qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.

Tu penses qu’il y a un profil idéal ?

Il n’existe pas de profil type. Nous venons tous d’horizons différents : certains ont suivi de longues études, d’autres non.
Les motivations varient, tout comme les méthodes de travail.

En revanche, ce que nous partageons tous, c’est la volonté de nous dépasser à chaque vol, le souci du détail et du travail bien fait, et l’envie constante de progresser, sans jamais se reposer sur nos acquis.
À mes yeux, c’est la seule qualité véritablement indispensable — le reste vient avec le temps, l’investissement et l’expérience.

Qu’est-ce que ça fait d’être militaire ? Et comment ta famille vit ton engagement ?

Être militaire est un honneur, mais aussi une responsabilité. Servir est une fierté, et avoir la chance de piloter de telles machines est un privilège. Mais cela implique un devoir constant de performance et d’exemplarité. Une tenue irréprochable et un comportement militaire adapté sont attendus en tout temps et en tout lieu. Cela demande de la rigueur au quotidien.

Concernant la vie de famille, il est important d’expliquer clairement votre engagement et les exigences de l’institution. Plus vos proches comprennent votre métier, plus il est facile de trouver un équilibre.

Depuis ton intégration, quelle a été l’étape la plus difficile ?

La formation est très progressive : la difficulté augmente au fil de votre montée en compétences.
Ce qui m’a semblé le plus difficile, ce n’est pas une étape en particulier, mais plutôt les périodes d’attente entre les différentes phases de la formation. La plus marquante reste celle entre le Cirrus et le Grob. Ces quelques mois peuvent peser sur la motivation. Heureusement, des stages sont proposés dans différentes unités, comme des escadrons opérationnels, pour nous immerger dans le milieu et rendre ces périodes plus utiles et enrichissantes.

Un bon moment et un mauvais moment à partager ?

En général, les moments les plus difficiles surviennent après un vol qui ne s’est pas bien passé. On obtient une note décevante, l’instructeur nous recadre plus ou moins fermement selon les erreurs, et on se sent simplement en dessous de ce qu’on aurait voulu donner. Dans ces moments-là, il faut savoir rebondir, identifier ses axes d’amélioration et revenir pleinement mobilisé pour le vol suivant.

À titre plus personnel, mes meilleurs souvenirs sont ceux où l’on peut, l’espace de quelques instants, contempler la vue. Lors d’un vol de nuit, une fois les exercices terminés et avec l’accord de mon instructeur, nous avons pris quelques secondes pour admirer le ciel étoilé et la silhouette sombre du sol, ponctuée des lumières des villes encore éveillées.
Ce sont des moments rares, mais magiques, qui nourrissent la passion tout au long de la carrière.

Comment tu fais pour tenir dans les moments compliqués ?

Dans les moments difficiles, on peut toujours compter sur sa promotion. Après plusieurs années passées ensemble, elle devient une véritable famille, et chacun se connaît presque par cœur. Les camarades de promo sont toujours là pour vous soutenir quand ça ne va pas.

Enfin, il faut savoir aller de l’avant et se faire confiance. Si l’on est arrivé jusqu’ici, c’est qu’on en a les capacités. Il suffit souvent de quelques ajustements pour repartir dans la bonne direction.

Tu es actuellement sur PC-21. Comment se passe une journée type ? Combien de vols ?

Le rythme quotidien dans un escadron suit généralement un format 8h–17h, mais il varie selon le type de mission. Par exemple, pour les vols de nuit, la journée commence plus tard.

À 8h15, un élève présente un briefing à l’ensemble de l’escadron. Il y résume la météo du jour, les moyens disponibles ou les restrictions sur la base, ainsi que les NOTAMs impactant l’activité.

Ensuite, nous travaillons en autonomie dans une salle dédiée, avec notre promotion. C’est l’occasion de réviser la réglementation, de mentaliser les vols à venir et d’échanger avec les élèves plus avancés pour éclaircir certains points.

Lorsqu’une mission est prévue pour nous dans la journée, nous la préparons avec notre instructeur. Le briefing dure environ 30 minutes : après un rappel des éléments du jour (météo, NOTAMs, etc.), on passe en revue les exercices à venir, en mettant l’accent sur les nouveautés. L’instructeur insiste sur les points clés et nous interroge pour vérifier notre compréhension. On termine toujours par une partie sécurité, en évoquant les pannes possibles ou situations particulières, et les actions à adopter.

Vient ensuite le moment de l’équipement : pantalon anti-G pour supporter les facteurs de charge, gilet de survie avec les moyens de signalement, et casque.

À bord, on s’installe, on effectue notre check-list — que l’on connaît par cœur — pour optimiser le temps de mise en route. On décolle en respectant les trajectoires prévues, que ce soit pour une navigation en basse altitude ou pour rejoindre une zone d’entraînement. Parfois, on part à plusieurs avions, avec des décollages en patrouille serrée.

En fin de vol, on revient sur le terrain soit en vol à vue, soit via une procédure aux instruments (VOR ou ILS).
On enchaîne ensuite avec le débriefing, où l’on identifie clairement les axes de progression pour continuer à monter en compétences.

De retour dans notre salle, on partage l’expérience avec notre promotion à travers un RETEX, et on se prépare pour la suite.
Grâce aux simulateurs, il n’est pas rare d’effectuer deux missions dans la même journée — par exemple, un simulateur le matin, suivi d’un vol l’après-midi.

Sur un peu plus d’un an et demi de formation sur PC-21, on réalise plus de 200 missions avant de rejoindre un escadron de transformation pour passer sur avion « pointu ».

Quelle est la prochaine étape pour toi ?

La prochaine étape pour moi sera l’affectation dans une unité opérationnelle sur avion de chasse, comme le Rafale ou le Mirage 2000.
D’ici là, je poursuis ma formation afin de maîtriser les savoir-faire fondamentaux du métier de chasseur : défense aérienne, attaque au sol, police du ciel, et bien d’autres encore.

Comment tu vis l’arrivée de la prochaine étape ?

J’aborde la prochaine étape de manière un peu particulière, presque en deux temps.

D’un côté, je travaille toujours en me projetant vers l’avenir. Par exemple, je n’accepte pas un atterrissage moyen, car je sais que plus tard, sur un avion plus exigeant, où le carburant comptera au litre près, une remise de gaz ne sera parfois plus une option. Dans ma progression, j’intègre donc cette exigence du « plus tard ».

Mais d’un autre côté, j’essaie aussi de ne pas me projeter trop loin. Penser en permanence au niveau à atteindre peut vite devenir décourageant. Il est tout aussi important de profiter de chaque vol, de chaque instant. Dans un environnement aussi complexe et exigeant que celui de la chasse, on peut facilement oublier de prendre du plaisir.

Il faut savoir apprécier la chance qu’on a, savourer le moment présent et ne pas vivre uniquement tourné vers l’avenir.

Comment se passent les révisions pendant les jours off ? Est-ce qu’on travaille ensemble ou chacun de son côté ?

De manière générale, si l’on travaille efficacement les jours sans vol, il n’est pas nécessaire de réviser le week-end.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, une journée est souvent rythmée par de nombreux temps morts, que l’on peut mettre à profit pour réviser ses connaissances et préparer les prochaines missions.
Tout est une question d’organisation : si elle est bien pensée, les week-ends peuvent rester des moments de repos, pour souffler et faire ce que l’on aime — et c’est essentiel.

Évidemment, tout n’est pas toujours aussi simple. Il y aura des périodes intenses, avec beaucoup de missions enchaînées, et il faudra parfois empiéter sur son temps personnel pour rester à jour.

Enfin, au sein de l’escadron, il est utile d’alterner entre travail individuel et travail en groupe. Les échanges entre camarades permettent souvent de faire émerger des points auxquels on n’aurait pas pensé seul. C’est un vrai plus dans la préparation.

Toi qui es maintenant « dans la place », est-ce que le métier dont on rêve tous étant enfants est aussi idyllique qu’on l’imagine ? Est-ce qu’on parvient tout de même à prendre du plaisir en pilotant ?

Je vais te donner une réponse très personnelle — chacun a ses propres motivations, son propre vécu.
Le métier est forcément différent de l’image qu’on s’en fait, aussi bien informé soit-on. C’est d’ailleurs pour ça qu’il faut continuer à se renseigner, même une fois entré dans l’institution : il n’est jamais trop tard pour découvrir, comprendre, ou ajuster sa vision.

Il y aura forcément des surprises : certaines choses nous décevront, d’autres nous enthousiasmeront. C’est normal, ça fait partie du parcours. La passion, elle aussi, évolue avec le temps, avec l’expérience. On mûrit, on prend du recul.

Mais une chose reste essentielle : aussi passionné soit-on, il faut toujours s’efforcer de prendre du plaisiravant, pendant et après chaque vol, même les moins bons.

Et maintenant que tout ça est dit… oui, aujourd’hui je ne changerais de métier pour rien au monde. Peu importe les difficultés : je m’épanouis pleinement, et je n’aspire qu’à continuer.

Quel conseil donnerais-tu à ceux qui nous lisent ?

Je dirais simplement : foncez, sans hésiter.
Que vous soyez attiré par la chasse, le transport ou l’hélicoptère, l’Armée de l’Air et de l’Espace a énormément à offrir. Les parcours sont variés, les missions passionnantes, et chaque spécialité a sa part d’exaltation.

Le doute a fait échouer bien plus de projets que l’échec lui-même. Alors croyez en vous, lancez-vous.

Et surtout, donnez-vous les moyens de réussir. Toutes les cartes sont entre vos mains.

Toute l’équipe de Devenez Pilote tient à adresser un immense merci à Paul pour le temps qu’il nous a consacré, ainsi que pour la richesse de son retour.

Nous te souhaitons le meilleur pour la suite, et surtout… à très bientôt en fréquence !

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